Paris Games Week 2025 : chronique d’un salon en mutation

La Paris Games Week 2025 signe une édition de transition : plus culturelle, plus fluide, mais aussi plus lisse. Entre nouveautés, absents de marque et un virage assumé vers la pop culture, le salon cherche à se réinventer sans perdre son âme. Retour sur trois jours d’exploration entre nostalgie et curiosité.
Chaque automne, la Paris Games Week revient comme un marqueur incontournable sur le calendrier des joueurs, des créateurs et des curieux. C’est ce moment où le jeu vidéo quitte, pendant quelques jours, nos écrans pour reprendre sa place dans le monde réel, au cœur de la Porte de Versailles.
Cette année, pourtant, l’ambiance n’était pas tout à fait la même.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, précisons-le : cet article est le premier d’une petite série consacré à la PGW 2025. Celui-ci fait le point sur le salon dans son ensemble, tandis qu’un second reviendra plus en détail sur mes coups de cœur (jeux, expériences et/ou rencontres) découverts durant mon séjour.

Dès mon arrivée, badge presse en poche, j’ai ressenti une atmosphère différente. Non pas une rupture brutale, mais une forme de transition, comme si la PGW cherchait à se redéfinir et/ou à trouver une nouvelle voie. Depuis la crise sanitaire, le salon se réinvente et cette édition 2025 marque clairement une étape clé dans ce processus. Elle semble vouloir dépasser son rôle historique de grand rendez-vous du jeu vidéo français pour devenir quelque chose de plus large : un événement culturel, presque un festival à part entière.
L’idée est plutôt plaisante car le jeu vidéo s’invite aujourd’hui partout : dans la musique, le cinéma, la littérature ou même la mode. Alors pourquoi ne pas lui offrir un espace dans lequel toutes ces formes d’expression se rencontrent ? Mais une fois sur place, le constat est plus partagé. En cherchant à élargir ses horizons, la PGW prend aussi le risque de se disperser voire se diluer. Les écrans géants et les stands étincelants sont toujours là, mais (moins nombreux) ils partagent dorénavant la scène avec d’autres formes de divertissement, parfois très éloignées de l’essence vidéoludique.
Alors que j’arpentais les allées, une question revenait sans cesse : La Paris Games Week peut-elle vraiment changer de visage sans trahir ce qui faisait son identité ?
Un salon qui change
Depuis cette année, la Paris Games Week entre dans une nouvelle ère. Le SELL (Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs), organisateur historique du salon, s’appuie désormais sur Fimalac Entertainment et GL Events pour co-organiser l’événement. L’objectif est clair : moderniser et enrichir l’expérience du public tout en ouvrant la PGW à de nouveaux horizons culturels.
L’ambiance, la communication, la scénographie… tout a été repensé pour offrir un nouveau souffle au salon. Le SELL garde la main sur le contenu (les éditeurs, la ligne éditoriale, l’ADN jeu vidéo) tandis que Fimalac et GL Events mettent leur expertise événementielle au service de la forme.

Cette volonté de décloisonner le jeu vidéo s’incarne aussi à travers Bigflo, désigné à la fois parrain et consultant officiel de l’édition 2025. Un choix qui, au-delà du symbole, s’avère plus ou moins cohérent. Passionné de gaming et de pop culture, il a activement participé à la conception du logo, des animations et à l’ambiance générale du salon. Sa patte se ressent dans les liens tissés entre musique et jeu vidéo, ses interventions publiques et la programmation de concerts au Dôme de Paris.
Sur le papier, cette réinvention a du sens. Sur le terrain, elle pose encore question. Et c’est justement dans les halls du salon que ces choix prennent toute leur mesure.
Une PGW condensée, plus culturelle, mais moins centrée sur le jeu vidéo
Dès l’entrée dans le Hall 1, on comprend que la Paris Games Week 2025 n’a plus tout à fait la même saveur. L’organisation est plus claire, les flux mieux gérés et les espaces respirent davantage. Tout semble plus fluide, plus maîtrisé, presque plus posé. On circule aisément entre les allées, sans ces vagues compactes qui rendaient éreintantes les précédentes éditions. Pour les familles, c’est un vrai plus et pour le public en général, l’expérience est sans doute plus agréable.


Mais cette refonte a eu un prix. En regroupant pratiquement tout dans le Hall 1, la PGW a condensé son univers comme jamais auparavant. Les constructeurs, les éditeurs, la zone Made in France, le retrogaming, les écoles, les espaces familiaux, les stands manga et cosplay et même une nouvelle section dédiée au TCG : tout cohabite désormais dans un seul et unique espace. À première vue, cela donne une impression de densité, mais très vite, on se rend compte qu’il y a, paradoxalement, moins à voir, ou plutôt, moins de pur jeu vidéo


Les grands éditeurs sont bien là, mais en format réduit. Nintendo, fidèle à lui-même, assure le spectacle avec ses couleurs vives, sa gigantesque zone et ses licences stars : Metroid Prime 4: Beyond, Kirby Air Riders ou encore les nouveautés liées à la Switch 2. Chez Capcom, c’est la cohue : Resident Evil: Requiem et Pragmata font partie des titres les plus attendus du salon. Mais les files interminables (parfois plus de deux heures d’attente) découragent les plus motivés. Une frustration partagée par beaucoup…
Ubisoft, lui, fait profil bas. Un seul jeu jouable mis en avant : Anno 117: Pax Romana. Un stand propre, efficace, mais bien loin des grandes mises en scène et de la ferveur d’autrefois. Quant à Xbox, le constat est encore plus surprenant : son espace, fusionné avec celui d’Asus ROG et d’AMD met surtout en avant la ROG Ally X et le cloud gaming.


Et puis il y a les absents. Plaion, Game One (bon, on sait pourquoi…) et même PlayStation (représenté cette année par la Fnac, mais sans stand officiel). Moins d’acteurs, moins de bornes jouables, moins de ce fameux “mur de lumière et de son” qui donnait à la PGW son côté grand spectacle. On retrouve l’ambiance, mais plus vraiment l’ampleur. On a l’impression d’assister à une version allégée du salon, recentrée sur l’essentiel, mais amputée de ce « waouh » qui la distinguait.
De son côté, le Hall 2 a perdu son rôle traditionnel. Exit la zone junior, les accessoires gamers ou l’espace cosplay : place à un immense “Geek Market”. Un espace hybride mêlant restauration, produits dérivés et stands de culture populaire. On y trouve de tout : figurines, t-shirts, snacks japonais, répliques d’armes, peluches et créations artisanales. L’ambiance y est légère, l’endroit attire les curieux et les gourmands. Mais difficile d’y retrouver la moindre trace de l’esprit PGW. On se croirait presque dans une Japan Expo miniature : distrayante, mais assez superficielle.


Et puis, il y a le Dôme de Paris. C’est sans doute la nouveauté la plus visible et la plus symbolique de cette édition. Ce lieu, intégré pour la première fois au dispositif officiel, accueille les grands événements “hors salon” : concerts, compétitions e-sport et soirées spéciales. À noter qu’il arrive que ces animations soient accessibles uniquement avec un billet dédié (en supplément donc).
Le mercredi soir, la PGW Night a donné le ton avec un opening présenté par Bigflo, Squeezie ainsi que le président du SELL. S’en est suivi d’un concert symphonique exceptionnel interprété par le Sinfonia Pop Orchestra et le chœur Cinéphonia, revisitant les musiques emblématiques du jeu vidéo. Le lendemain, place au concert “Clair Obscur : Expedition 33”, un format plus intimiste mais tout aussi marquant. Le vendredi soir, Bigflo & Oli ont enflammé la scène du Dôme avec un concert complet, avant que Canal+ n’enchaine, le samedi, avec une grande soirée autour du jeu des Loups-Garous, animée par les visages de la série.

L’ambiance était belle, sincèrement. On sentait une vraie volonté de proposer une expérience différente, presque “festival” comme je le disais précédemment. Mais, encore, est-ce la PGW qu’on connaît et/ou celle que l’on veut ? Alors, oui, le salon gagne en spectacle, mais part parfois bien loin du sujet principal.
Ce sentiment se retrouve aussi du côté du Made in France. Cette année, la zone rebaptisée Games France semblait plus discrète que jamais. Reléguée dans un coin du Hall 1, sans vraie scène, sans grosse mise en avant marquante, elle pouvait presque passer inaperçue. Pourtant, c’est là que se trouvait, pour moi, la véritable âme du salon : celle des développeurs indépendants, des écoles, des jeunes studios venus présenter leurs projets et leurs passions. C’est certainement là que j’ai passé le plus de temps, à discuter, à découvrir et à jouer. Ces moments de partage rappellent pourquoi la PGW reste importante : pour permettre à la création de s’exprimer, même loin des paillettes.


Côté presse, la différence se fait aussi sentir. Les espaces médias ont été réduits, les rendez-vous plus rares, les RP moins disponibles. La soirée VIP a été ouverte au grand public et les éditeurs ne semblaient plus organiser les habituelles soirées privées où il était possible de rencontrer du beau monde. Cette année, on sent que l’organisation a clairement privilégié le grand public, au détriment du côté professionnel. Ce n’est pas une critique, juste un constat : ils assument désormais pleinement son virage grand public, laissant à la Gamescom ou au Summer Game Fest le rôle de vitrines industrielles.
Malgré tout cela, l’expérience reste unique. Car la PGW, au-delà des stands et des annonces, c’est avant tout une aventure humaine. Chacun y vit sa propre version du salon, avec ses attentes, ses découvertes et ses émotions. Cette année, c’est à travers le regard d’Ezio (mon fils) que j’ai retrouvé le sens de cette convention : le plaisir de partager et découvrir. Différemment, mais toujours sincèrement…
Le regard croisé du « pro » et du joueur
Ces trois jours à la Paris Games Week, je les ai vécus à deux niveaux. D’un côté, il y avait le blogueur, celui qui observe, analyse, compare et note chaque détail. De l’autre, il y avait Ezio, mon fils de 12 ans, qui découvrait (pour la seconde fois) tout avec cette excitation brute. Deux manières très différentes de vivre le salon, mais qui, mises côte à côte, racontent (finalement ?) tout ce qu’est la PGW aujourd’hui.
En tant que « professionnel » (oui, je suis loin de l’être), cette édition m’a laissé une impression mitigée. Les stands étaient beaux, certains même impressionnants, mais l’âme “média” et grandiose du salon s’est un peu effacée. Comme dit plus haut, les espaces presse étaient réduits, les rendez-vous plus rares et beaucoup d’éditeurs semblaient se concentrer sur leur visibilité grand public plutôt que sur les échanges avec la presse ou les créateurs de contenu.
Cette évolution change la manière de vivre l’événement. Là où la PGW était autrefois un lieu de rencontres, d’interviews improvisées et de discussions passionnées autour d’un jeu ou d’une démo, on se retrouve aujourd’hui davantage spectateur qu’acteur.

Même avec une accréditation, il fallait souvent faire la queue (comme tout le monde) et parfois plus d’une heure ou deux pour accéder à une borne. Je pense évidemment au stand Capcom dont les files ne désemplissaient jamais et cela, dès l’ouverture. J’avais tenté d’obtenir un rendez-vous presse en amont, mais ce fût un échec pour diverses raisons (pas forcément liées à la PGW 🤫). Et, visiblement, je n’étais pas le seul : beaucoup d’autres journalistes et créateurs de contenu ont partagé ce même ressenti sur la globalité du salon.
Et puis, il y a l’autre côté du miroir. Celui d’Ezio…
Lui, ce n’était pas sa première édition, mais pourtant il n’a rien vu de tout ça. Pour lui, le salon était une fête. Il a tout voulu essayer, tout voulu voir. Les stands Nintendo, les écrans géants, les points photo, l’arène EVA Kart VR, les goodies (très peu par rapport à l’année précédente), les bornes indé… Il a également découvert des petits jeux qu’il n’aurait sans doute jamais testés ailleurs et a pu mettre la main sur des titres qu’il attendait depuis des mois. Il s’arrêtait à chaque cosplay, prenait en mains les accessoires exposés et observait longuement les streamers et gamers que l’on suit sur YouTube. Il n’a vu ni les absents, ni les espaces réduits, ni la communication trop lisse : il a juste vu de la magie, du partage et des étoiles plein les yeux.


Et je crois que c’est là que tout prend son sens. Oui, la PGW a changé. Oui, elle a perdu un peu de son exubérance d’avant. Mais tant qu’elle continue à faire briller les yeux des visiteurs, à créer des souvenirs et à offrir des moments de passion partagée. Elle a donc su garder une part essentielle de ce qui la rend unique. En le regardant vivre cette expérience, j’ai compris que même si le salon se transforme, il reste, au fond, ce qu’il a toujours été : un lieu de transmission et de divertissement. Un endroit où le jeu vidéo se vit, se raconte, se partage.
Conclusion : une édition de transition, entre cœur et raison
En quittant la Porte de Versailles, un sentiment persiste : celui d’avoir assisté à une PGW en pleine redéfinition. Ni un échec, ni un triomphe, mais un tournant que j’ai encore du mal à jauger. On sent la volonté sincère de renouveler la formule, de moderniser le cadre et d’ouvrir le salon à d’autres formes d’expression. Sur ce point, le pari est en partie réussi : le salon est plus fluide, mieux organisé, plus accessible et presque plus mature.
Mais en contrepartie, il a perdu un peu de cette folie douce qui faisait sa force. Ce mélange de bruit, d’imprévus et de passion qui donnait à chaque édition une énergie folle. Aujourd’hui, tout est plus cadré, plus réfléchi et parfois un peu trop… L’expérience est plus confortable, mais elle l’est aussi (comme je l’ai déja plusieurs fois qualifiée) plus lisse. On a l’impression que la PGW cherche à plaire à tout le monde, quitte à perdre un peu de ce qui la rendait unique…
Pour autant, je ne veux pas bouder mon plaisir. Parce que malgré tout, la Paris Games Week 2025 reste un rendez-vous à part. C’est un salon qui respire encore la passion, qui rassemble des générations autour d’une même curiosité. Et, personnellement, ça m’a fait sincèrement plaisir de vivre ça avec Ezio, d’y retrouver des amis (coucou Ma Vie De Geek), des confrères, des visages connus et d’en découvrir de nouveaux. Ces moments de discussion, d’échange et de complicité rappellent que, derrière les stands et les écrans, il y a toujours une communauté vivante et active !
Un événement imparfait, oui, mais sincère. Et dans un paysage où tout tend à se dématérialiser (jeux, annonces, conférences, etc.), la PGW reste l’un des rares moments où le jeu vidéo redevient physique. Alors oui, elle se cherche. Oui, elle expérimente et c’est peut-être aussi ce qui la rend intéressante.
Et si, cette année, le cœur du salon battait un peu plus doucement, il battait toujours et, quelque part, c’est peut-être bien ça l’essentiel ? Dans tous les cas, on verra ce que la Paris Games Week 2026 nous réserve…
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